Dans ta toile

Dans ta toile
L 'ARAIGNEE TISSE LA FRAGILE TOILE DE LA VERITE .

jeudi 20 octobre 2011

lâcheté


Ça mitonne dans mon sang comme un ragoût
ça ne connaît pas d'apaisement
bon sang, la parole vraie ça compte non ? oui la vraie, celle forgée par le feu qui puise loin, fait souffrir et façonne jusqu'à la croûte, celle qui finit par nous relier à la terre et au ciel et nous rend plus humains, mais je ne peux pas lui expliquer ça, il ne comprendrait pas, au téléphone il ne parle que de choses sans importance : du temps qu'il fait ou fera, des amis venus au cours du week-end, des succès de ses enfants
et moi, je suis là et je tais ma colère

j'ai des raisons légitimes de lui en vouloir, ça oui (évidemment c'est très personnel, alors je ne sais pas si je dois)
en fait, je lui en veux parce qu'il n'a pas pris mon parti au moment où il le fallait, et maintenant il affirme qu'il a toujours eu confiance en moi, qu'à aucun moment il ne m'a imaginée coupable, il aurait dû prendre position face à celui ou celle qui m'accusait injustement — la chose était si dérisoire — et bien non, il ne l'a pas fait alors qu'il me connaît depuis toujours


une certaine forme de trahison

Y'en a qui sont lâches  
leurs mots se déforment et corrompent leurs visages, ils ne disent pas ce qu'ils pensent, ils ménagent la chèvre et le chou, en fait ils se cachent (en particulier les hommes), mais on ne peut pas vivre comme ça du matin au soir, et tout au long de l'année, il arrive forcément un moment où ça coince, et de plus en plus
des affaires qui ne peuvent pas s'arranger si on ne s'en occupe pas
avec un frère — ou une sœur — tout a commencé loin dans l'enfance, ce qui nous porte à croire qu'on est fait de la même trempe, mais c'est faux, le temps écoulé a construit des murs parallèles qui définissent des couloirs, des tunnels
tenez, lui : il vit classique avec femme et enfants, l'image même de l'équilibre que tout le monde envie — qui ne voudrait pas avoir des enfants aussi bien élevés, ah pour ça rien à dire, et si bien partis pour réussir  — eh bien moi j'ai beau faire, là-dedans je ne vois que du bluff
je lui en veux tellement de s'être égaré au point qu'il ne me connaît plus

j'ai bien peur que, mon frère et moi, on ne puisse jamais se dire la vérité, à cause des murs, à moins qu'on n'y perce des fenêtres à grands coups de hache…

lâcheté - ©Françoise Renaud, 2011

site offiel : www.francoiserenaud.com
Terrain Fragile, le blog de l’écrivain www.francoiserenaud.com/blog



2 commentaires:

  1. Non, c'est pas moi qui ai dit... ce commentaire m'a été envoyé par mail, la personne n'ayant pas de compte web pour le publier elle même et voulant rester anonyme. Dom.J

    Une belle envie de colère se dégage de ce texte titré "lâcheté" De beaux préliminaires empreints de sincérité. Vivante et courageuse, Madame Françoise Renaud ose aborder sa souffrance. Sa rancœur envers son frère suinte à chaque mot. Mais celui-ci s'en sort trop bien à mon avis. En tous cas, la hache de guerre est encore bien rangée. Elle a l'intention de s'en servir, certes, mais je reste sur ma faim, pas vous? J'aimerai bien voir par les mains de l'auteur, cette hache fendre le crâne de ce frère trop bien installé. Que la chose qui mitonne dans les veines de l'écrivaine éclate au grand jour, qu’elle tache les feuilles blanches avec des mots sanguin, crûs s'il le faut. D'une façon ou d'une autre, qu'elle lâche sa poésie pour lui rentrer dedans une bonne fois pour toutes à ce frère suffisant. Qu’importe qu’il comprenne ou pas, qu’elle change son nom, qu’elle l’appelle frère Pion, de toute façon il se reconnaitra s’il n’est pas trop con.

    Chère Madame, laissez tomber la parole qui nous relie à la terre et au ciel, qui est sensée nous rendre un jour plus humain. Tout cela est bien loin. Ici et maintenant vous êtes humaine, aucun doute là dessus. Suggestion : "Frère tu m’emmerdes" ferait un bon début pour le prochain texte-colère. Brisez les vitres de la fenêtre, la vaisselle, les conventions. Si comme vous l'écrivez entre parenthèse, les hommes se cachent plus que les femmes, les femmes que font-elles? Toujours polies même quand elles se fâchent? Sûrement pas. Que vous écriviez une suite à "lâcheté" et je cours l'acheter, car ce début est prometteur. Respectueusement.
    Tartempion.

    RépondreSupprimer
  2. En revenant sur cette page pour répondre au commentaire, je lis le chapeau introductif à ce blog qui m'avait échappé...

    et c'est justement, ce que je m'apprêtais à écrire : que tous les mots ne sont pas bons à prononcer, à jeter à la tête des autres, et que ceux qu'on abandonne sur la page - surtout une page comme celle-là, sur un blog institué pour l'échange - participent d'une forme, d'un exercice d'écriture qui tient lieu à un moment donné et précis d'exutoire, de réflexion, d'outil pour évacuer la souffrance... et avancer. Enfin, peut-être.



    Dire ou écrire n'est pas tout à fait la même chose...



    Sil fallait donc en écrire davantage sur le sujet - frère sœur colère - , je ne me laisserais sûrement pas aller à fendre le crâne de celui que je connais depuis toujours. Je construirais un ouvrage entier pour étudier les ressorts, tous les ressorts de l'histoire depuis le commencement (qui sait ? je le ferai peut être).

    Et mon objectif ne serait pas forcément qu'il m'écoute, mais plutôt de pénétrer le sujet dans des limites que je ne connais pas encore, m'engager dans un travail et un combat qui tiendrait plus du roman que du réel. Dans le réel, je le rencontrerai d'abord pour voir où il en est, cet homme-là, dans sa vie et dans sa réflexion, s'il est encore capable d’éprouver de l'émotion.

    (c'est d'ailleurs ce que je viens de faire)



    Car je ne veux décidément pas lui éclater la tête ou lui "rentrer dans le lard". La colère m'intéresse seulement pour ce qu'elle m'apprend de mes obscurités.



    Après la colère, vient la compassion. Il suffit pour ça qu'une porte s'entrouvre. Et ce sont des choses qui arrivent, que nous pouvons induire…

    De toute façon nous aurions tant de motifs à nous "encolérer" plusieurs fois par jour. Nous sommes si différents les uns des autres, nos chemins trop divergents. Mieux vaut l'intelligence plutôt qu'une hache affûtée pour massacrer (me revient en mémoire le visage de Jack Nicholson dans "Shining").



    françoise renaud

    lys

    www.francoiserenaud.com

    www.francoiserenaud.com/blog/

    RépondreSupprimer

laissez ici votre texte et votre mail, merci !